1. Argumentaire 

En observant les différents modes d’articulation de la communication depuis la “démocratisation” des Technologies de l’information et de la communication, il se constate que la pratique de la communication implique immanquablement la prise en compte de son versant sécuritaire. Qu’il s’agisse de la gestion des données dans leur collecte, leur conservation et leur exploitation ; ou qu’il s’agisse de fournir des services de base comme la santé ou l’éducation.

Communiquer dans le monde numérisé qui est le nôtre intègre forcément la dimension de sécurité, notamment au regard de nombreux cas d’usage frauduleux des données personnelles ou privées, et des épisodes, parfois spectaculaires, d’espionnage entre Etats. A titre d’exemples : Washington a accusé Moscou d’ingérence dans le débat électoral américain par réseaux sociaux interposés ; Pekin est mis en cause pour espionnage digital du siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba.

Une autre forme de surveillance est celle qui concerne les acteurs politiques à travers le logiciel Pegasus que certains pays africains ont eu à expérimenter.

D’un autre point de vue, l’émergence des incivilités (Hutchinson, 2010) et de la dark participation (Lutz and Hoffmann, 2017; de Vreese, 2021) prenant le contrepied de l’espoir ou la promesse de l’émergence d’une démocratie participative charriée par l’accès aux médias sociaux, rappellent en même temps que l’espace public à l’ère du Web 2.0 et de la massification de l’accès aux TICs exigent de nouveaux leviers de gouvernance de l’espace d’expression populaire. En effet, comme l’ont montré les accusations des tentatives d’ingérence des puissances étrangères dans les débats nationaux ou les joutes électorales en Europe ou en Afrique, certaines crises s’originent dans le développement du numérique même, devenu un cadre fondamental de réflexion et d’action des pouvoirs publics et des tiers.

Dans la même dynamique, l’usage de l’IA (intelligence artificielle) se popularise de plus en plus, sur le continent. Plusieurs applications du système de l’IA sont recensées dans les secteurs de l’agriculture, de l’économie, du transport, de l’industrie, de l’éducation, de la santé, ainsi que dans le secteur de la sécurité et de l’administration territoriale. Cependant, comme le stipule l’UNESCO (2024 : 2), les réglementations législatives et politiques nationales et régionales sectorielles sont, soit, inexistantes, soit, difficiles à mettre en œuvre. Au même moment, pour une appropriation durable et inclusive, la problématique liée à la gouvernance numérique des Etats se ré-organise en insistant sur « la participation des parties prenantes » (Number Resource Society, 2023) ainsi que la gouvernance « à tous les niveaux » (théorie de la gouvernance multiniveaux de Defacqz, 2021 ; Vivekanandan, 2023).

Ainsi, dans le but d’offrir une tribune de discussion et d’échanges sur les phénomènes de communication et de sécurité numérique en sciences humaines et sociales, le Centre d’Études Transdisciplinaires Stratégiques (CETRAS) de Lubumbashi (République Démocratique du Congo – RDC) et la Chaire Unesco Pratiques émergentes en technologies et communication pour le développement de l’Université Bordeaux-Montaigne (France), co-organisent les 11, 12 et 13 juin prochains, avec le soutien de l’Université de Lubumbashi (RDC), un colloque international en juin 2025 dans la Ville de Lubumbashi, sur le thème de “Communication et enjeux socio-sécuritaires à l’ère du numérique”.

2. Objectif et axes

L’objectif poursuivi est de contribuer aux réflexions relatives aux multiples problèmes liant le numérique, l’IA et la sécurité des États, des personnes et des libertés fondamentales. Ce colloque est décliné en six axes détaillés comme suit :

Axe 1 : IA et numérique : gouvernance, population et politiques publiques et législatives
Les communications attendues dans cet axe pourront revenir sur :

• Les initiatives régionales ou nationales, sectorielles ou associatives, publiques ou privées, impliquées dans le développement et la régulation du secteur du numérique et de l’IA sur le continent. Il s’agit, spécifiquement de réflexions multi-sectorielles autour de la promulgation de lois et politiques nationales/continentales en matière de développement de l’IA et du numérique ; du financement des stratégies gouvernementales et institutionnelles en matière d’IA ; de la protection des données à caractère personnel (RGPD) et non personnelles ; de l’authentification et de la protection des droits d’auteur des productions générées par l’IA ;

• Les initiatives nationales devant solutionner la problématique liée à la souveraineté numérique des Etats. Etant donné que « de nombreux pays africains restent largement dépendants des entreprises étrangères (principalement occidentales, mais aussi chinoises) autant sur les données que sur les infrastructures dont ils dépendent » (Monyae, 2021), ils encourageant de plus en plus les stratégies et diverses initiatives, entre autres, la construction des data centers à rayonnement national ou régional (Kossi Amessinou, 2024 ; Groupe de la Banque africaine pour le développement, 2024 ; Martinez, 2020).

Axe 2. Organisations, sécurité et crises
Les communications inscrites dans cet axe se pencheront sur :

• La sécurité des données organisationnelles : Les organisations sont appelées à gérer des données sensibles et souvent abondantes (Freyssinet, 2022). Les communications pourront ici aborder cet enjeu, spécialement dans un contexte hostile de cybercriminalité.

• Les incivilités, la sécurité et l’inclusion numériques au travail : Les communications de cet axe pourront se pencher sur la Santé et Sécurité au Travail (SST) (Blatter, 2021) ; les pratiques de protection et de prévention des risques ; le « côté obscur » de la communication organisationnelle (Carayol et al., 2020 ; Laborde, 2020 ; Dupré, 2020 ; Sukadi, 2020), où des pratiques telles que le harcèlement et les discriminations en tous genres menacent la sécurité des employé (e)s au quotidien.

• La gestion de crise organisationnelle : Les communications de cet axe sont invitées à aborder par différents prismes la crise organisationnelle, spécialement dans un contexte où sa gestion est complexifiée par les réseaux sociaux numériques (Aïm et Billiet, 2020).

• La gouvernance et les résistances organisationnelles : L’opérationnalisation des politiques nécessite des mécanismes et des stratégies de communication efficaces afin de prendre en charge les résistances et les pesanteurs liés à l’environnement organisationnel (Soparnot, 2006). Ces situations de tension peuvent ici être mises en avant.

• La sécurisation des emplois et l’évolution des métiers : L’évolution de l’IA et des technologies
de manière générale, entraîne la disparition de certains métiers. Cette situation de
changement organisationnel (Autissier, Vandangeon- Derumez, 2013 ; Robbins et al,
2014) peut être abordée.

Axe 3. Conflits, populations, crises et sociétés
Les communications inscrites dans cet axe se pencheront sur :

• Les guerres et les conflits armés dans le monde : Le monde est secoué par des crises majeures telles que la guerre en RD Congo, en Ukraine, en Syrie, au Soudan, la guerre terroriste au Sahel, ou encore le conflit entre Israël et la Palestine. Les communications de cet axe pourront aborder les enjeux ainsi que les pratiques autant communicationnels qu’informationnels des acteurs de/dans ces conflits.

• Les crises sanitaires : Les crises sanitaires telles que Covid-19, Ebola ou le choléra ont des effets dévastateurs. Les recherches de cet axe peuvent aider à comprendre les dynamiques de communication organisationnelle en période de crise (Lambotte et al.,2024), ou encore à mettre en lumière les actions et les transformations socionumériques des sociétés face à ces crises.

• La sécurité des populations : particulièrement dans les régions vulnérables qui sont le reflet d’inégalités sociales et environnementales (Dron et Guerin, 2015). Peuvent être ici abordées des problématiques sociales et politiques telles que les viols et violences, le travail forcé des enfants, la gestion des catastrophes naturelles, etc.

• L’administration de l’état civil et des populations : la sécurité territoriale transfrontalières et des aires protégées, la gestion des terres arables et de celles dédiées à l’exploitation minière, etc., constituent des enjeux nationaux et géopolitiques au cœur du développement des systèmes d’informations et de la lutte contre la cybercriminalité nationale, dont il est important de discuter lors de ces assises.

Axe 4. Informations, médias, espaces des libertés
Cet axe regroupera les communications sur :

• Les libertés des médias, qualité de l’information : Ici, les réflexions et recherches se pencheront notamment sur les défis, les transformations des écosystèmes médiatiques, modes de consommation des contenus, les effets de la désinformation ou les initiatives d’adaptation aux désordres informationnels dans les situations sociales, économiques ou politiques vécues en Afrique.

• L’espace d’expression : au moment où les médias et plates-formes d’expression populaire structurent un vaste espace de libertés citoyennes où se croisent le en ligne et le hors ligne (Burger, Fitzgerald and Thornborrow, 2017 : 9), l’attention des chercheurs pourra se focaliser notamment sur la modération des plates-formes d’expression, les interférences entre Etats, les mécanismes de gestion des discours de haine ou des harcèlements en ligne, ainsi que sur logiques de production et de diffusion des contenus.

• Les libertés citoyennes, démocratie, participation politique : Les recherches pourront se pencher aussi sur les modes de participation, les réponses des pouvoirs publics à l’envolée de l’expression populaire, la crise de confiance aux discours officiels, le recours aux médias sociaux durant les joutes électorales.

• Les mouvements sociaux : des recherches/réflexion sur les mouvements sociaux auxquels les mouvements dits citoyens ont fait ombrage seront appréicés. C’est le cas des mouvements ouvriers ou syndicaux, organisations non-gouvernementales nationales ou internationales à l’instar des ONGs de défense de l’environnement.

Axe 5 : EdTech et IA générative (GenAI en anglais) : données, recherche,éducation aux médias et éthique

Dans le secteur éducatif, l’IA générative (avec Chat GPT comme ambassadeur privilégié) entraîne autant d’émerveillement que des inquiétudes. La protection des données sur lesquelles la GenAI s’appuie, le consentement en matière d’utilisation des contenus et de l’authentification des itératies produites (pour prévenir, entre autres, tout phénomène de « pollution ») entraînent des débats autant au niveau des instances supranationales qu’au niveau institutionnel. Cet axe regroupera les communications centrées sur les enjeux liés à l’usage pédagogique (académique et scolaire) de la GenAI. Sont attendues, des réflexions autour de l’impact de la GenAI sur la valorisation de l’expertise des enseignants, la garantie de l’intégrité académique, la protection intellectuelle et les droits d’auteur, la protection des données de la recherche, la valorisation et le partage des données de la recherche, l’amélioration du potentiel universitaire et scientifique, la favorisation de l’utilisation créative de la GenAI dans l’éducation et la recherche (UNESCO, 2024), à travers la mutualisation des compétences et des disciplines autour des projets de recherche communs.
En nous appuyant sur la « Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle » de l’UNESCO (2022), toute communication axée sur les « valeurs » de transparence, d’équité et de responsabilité dans le contrôle des systèmes intelligents, sera appréciée.

Axe 6 : IA, numérique et innovations dans les industries culturelles etcréatives

Cet axe envisage d’explorer les enjeux liés à l’évolution des méthodes créatives 3D et de réalité virtuelle qui pêchent d’une « réelle capacité de contrôle » (Cani, 2020 : 97) dans les processus de production, de diffusion et de consommation des créations artistiques. En effet, autant « les outils numériques 3D, du design graphique à la réalité virtuelle, accroissent nos capacités à donner à voir ces images d’objets et de mondes réels ou imaginaires, permettant non seulement de les représenter mais aussi de les voir sous tous les angles, de leur donner vie, de s’y immerger, voire même de les toucher » (ibidem : 89), autant les interrogations se multiplient autour de la sauvegarde du patrimoine culturel, de la protection de l’identité/ authenticité culturelle des sociétés, de la sécurisation de la propriété intellectuelle et des droits, de la problématique de l’authentification des créations de l’IA, etc., et de ce fait, de la protection du marché artistique.

Dans le domaine culturel et artistique, que disons-nous si le montage, le doublage, les effets spéciaux, la réalisation deviennent l’apanage de l’IA et/ou du métavers ? Ce sont les questions auxquelles, comme Radio France (2023), les communications attendues répondront.

3. Modalités de soumission

Les communications peuvent être proposées en français ou en anglais en format texte éditable (doc, odt, rtf.).
Les propositions de communication devront s’inscrire dans un des axes repris ci-dessus.

L’auteur mentionnera les éléments ci-après :
– le titre de la communication
– l’axe de la communication choisi
– le nom légal de l’auteur ou des co-auteurs tels qu’ils figurent sur les documents d’identité
– l’université d’affiliation de l’auteur ou de chaque auteur
– l’adresse email de l’auteur ou de chaque auteur
– un numéro WhatsApp (facultatif)
– le résumé du projet de communication (250 mots maximum), rédigé en français et en anglais
– les mots clés (5 maximum)
– une courte bibliographie de l’auteur ou de chaque auteur (70 mots maximum par bibliographie)

Règles de rédaction

– Normes APA
– Caractères typographiques pour les textes : Times New Roman, 12, interligne 1,5, texte justifié à gauche et à droite.
– Les textes seront envoyés à l’adresse colloquesicunilu@unilu.ac.cd . Un accusé de réception vous sera envoyé une fois la proposition de communication enregistrée.

4. Calendrier

  • 04 novembre 2024 : Lancement de l’appel à communication
  • 15 janvier 2025 : Clôture de la période de soumission des propositions de
    communication
  • 17 janvier 2025 : Envoi des notifications d’acceptation ou de refus sur les
    propositions et notification et lettre d’invitation au colloque
  • 01 mars 2025 : Remise des textes complets (30 000 caractères maximum, notes
    et espaces compris)
  • Du 11 au 13 juin 2025 : Tenue du colloque à Lubumbashi.

5. Recommandations scientifiques

Les propositions devront mettre en évidence la problématique, les aspects théoriques et méthodologiques, le corpus ainsi que les conclusions attendues ou perceptibles. Une bibliographie indicative est exigée à la fin de chaque proposition.

6. Modalités de sélection

– Les propositions de communication subiront une évaluation en double aveugle.
– Les textes complets seront également soumis à évaluation.

7. Publication

Les articles acceptés par le comité de sélection seront publiés dans les Actes du colloque, en cas d’évaluation positive du texte définitif. Compte tenu des critères de pertinence scientifique et d’universalité, quelques textes finaux feront l’objet d’une publication dans la revue scientifique Communication, technologies et développement (Comtecdev), après une réadaptation par rapport aux règles éditoriales et aux consignes de publication de cette dernière.

8. Contacts

colloquesicunilu@unilu.ac.cd